Les effets du vin sur le foie dans les arts

Le vin et le foie : une affaire d’embonpoint

Que ce soit dans la littérature, la peinture ou encore le cinéma, le vin a un lien avec le foie, qui date de la nuit des temps et dont il ne se débarrassera pas de sitôt….

Eh oui, vous avez deviné…c’est le ventre bien arrondi ! Car c’est en effet au niveau du foie que se produit l’accumulation de graisse associé au vin. C’est ainsi que boire du vin signifie souvent un certain laissez-aller que l’on retrouve à la lecture du tour de taille…Cela peut être douloureux, culpabilisant, mais aussi innocent et comique !

Nous allons tenter de repérer cet œnologique embonpoint dans différentes œuvres et formes d’art.

Dans la littérature

Dans l’Antiquité

Nous pouvons trouver l’association entre foie replet et vin dès la genèse de la littérature, au sein même des mythes fondateurs que sont la Bible ou la mythologie gréco-romaine.

a) Dans la Bible

Dans la Bible, le vin peut souvent être synonyme ou cause d’une certaine oisiveté gourmande, opulente et luxueuse, imagée et traduite par un foie graisseux, soit par un ventre rebondi.

Mais cette accumulation de bon vin, et par conséquent de graisse, n’est pas pour plaire au Seigneur, car elle s’oppose à l’attachement constant à Dieu, et attire les Hommes vers l’oubli d’eux même et de leur Créateur, ce qui peut parfois provoquer le reproche Divin.

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Moïse est le prophète qui a annoncé que « Jeshurun s’est engraissé »

Un exemple nous est donné dans une prophétie de Moïse, qu’il adresse au Enfants d’Israël avant qu’ils entrent en Terre d’Israël (Deutéronome 32). Il les avertit ainsi, les exhortant à ne pas tomber dans le piège de l’oisiveté oublieuse du Créateur. En effet, la Terre que Dieu leur a promis est riche et fertile, excellente notamment pour la plantation de la vigne, et Moïse craint que cela ne leur soit fatale…


« 12L’Eternel seul l’a conduit, et il n’y a point eu avec lui de dieu étranger.

13Il l’a fait passer à cheval sur les lieux hauts de la terre; et il a mange le produit des champs, et il lui a fait sucer le miel du rocher, et l’huile du roc dur;

14Le caille des vaches, et le lait des brebis, et la graisse des agneaux et des béliers de la race de Basan, et des boucs, avec la fine graisse du froment; ettu as bu le vin pur, le sang du raisin.

15Mais Jeshurun s’est engraisse, et a regimbe: tu es devenu gras, gros, replet; et il a abandonné le Dieu qui l’a fait, et il a meprisé le Rocher de son salut.

16Ils l’ont ému à jalousie par des dieux étrangers; ils l’ont provoque à colère par des abominations. »

Note : Jeshurun est un nom faisant allusion au peuple d’Israël.

Ici, on voit qu’ Israël a « bu le vin pur, le sang du raisin », et que par voie de conséquence, il « s’est engraissé et a regimbé », est devenu « gras, replet »

Symboliquement, le vin représente donc l’opulence excessive, et l’engraissement, l’abandon de Dieu. C’est l’un qui mène à l’autre, dans un chemin que le Seigneur veut péjoratif.

Nous pouvons donc constater dans la Bible un lien de cause à effet entre la consommation de vin et l’engraissement qui se fait par le foie. Ce lien y sert d’allégorie faisant allusion à une détérioration de l’attachement à Dieu par un faste excessif.

b) Dans la mythologie grecque

Dans la mythologie grecque, le vin est plutôt bien vu, d’ailleurs on a même un dieu pour cela, le dieu Dionysos (Bacchus pour les romains). Or ce dieu voyage beaucoup pour enseigner l’art du vin aux Hommes, et il est accompagné de tout un joyeux cortège. C’est dans ce cortège qu’on trouve l’ivrogne par excellence, Silène.

Silène est un satyre, qui a recueilli Dionysos lorsqu’il était enfant et que Zeus l’avait envoyé sur Terre, et est devenu son précepteur et père adoptif. Il est souvent désigné comme un dieu mineur de l’ivresse due au vin.

Son aspect physique inspire à la fois la sympathie et le dégoût. En effet, malgré son air jovial et bon vivant, il est tout de même assez grotesque et empâté, notamment à cause de son foie énorme, qui lui donne un ventre très épais.  Ce travers, bien entendu, est causé par l’excès qu’il fait du vin que lui fournit généreusement le dieu qu’il escorte.

Ce foie imposant mais sympathique est ramené à de nombreuses occasions, et on ne peut évoquer Silène sans évoquer son foie bien gras. De nombreuses illustrations antique nous permettent de le constater, comme sur cette image, tirée d’un vase grec.

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Oui, le personnage du milieu, c’est bien notre Silène. Il est en train de cuver son vin, supporté par deux aimables satyres. Notez l’accumulation de graisse qui commence justement sous la poitrine, c’est à dire sur le foie. Dans les siècles suivants,d’autres peintres se sont inspirés de cet aspect de Silène, comme Rubens (La Marche de Silène), ou Van Dyck (Silène ivre soutenu par des satyres).

A la Renaissance

Rabelais, en plus d’être l’auteur français le plus connu de la Renaissance, un grand amateur de vin. Il possédait d’ailleurs lui-même un vignoble, et ne cessait de trouver des vertus à la boisson. Mais il reconnaissait tout de même les grasses conséquences qu’elle peut avoir, par le biais du foie.

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Gargantua

En effet, son personnage le plus connu, Gargantua, est lui aussi un épris de la Dive Bouteille. Dès son plus jeune âge, d’ailleurs, il en boit, et on lui en donne parfois pour le calmer. Devenu adulte, cette passion ne l’a pas quitté, et, lorsqu’il arrive à Paris, par exemple, la première chose qu’il cherche à savoir, c’est « […] [le] vin qu’on y [à Paris] buvait. ».

Mais Gargantua a aussi une autre particularité : il est énorme, ou plus précisément « gargantuesque », et ce autant dans le sens de la longueur que dans le sens de la largeur (comme en témoigne cette illustration). Faut-il lier ces deux particularités ? Pour ce faire,il n’y a qu’un pas que je n’hésite pas à franchir. En effet, le personnage de Gargantua met clairement côte à côte l’ingurgitation massive de vin avec une grosseur du foie spectaculaire.

On peut émettre l’hypothèse que le vin participe à l’accumulation de graisse hépatique, et par extension ventral, chez Gargantua. Ces deux caractéristiques du personnages sont en effet les plus marquées, et on ne peut pas manquer d’essayer de les relier.

Dans la période romantique

Les romantiques ont aimé parler du vin et des ivrognes, et on peut y retrouver parfois la figure du vieil amant de la bouteille de vin, ma foi un peu ridicule dans cet amour. On ne manque pas, pour en rire ce qu’il faut, de mentionner son ventre (et donc son foie) joliment courbé.

C’est ainsi qu’on peut lire de la main de Victor Hugo, dans son poème « Le vrai dans le Vin »:

« Jean Sévère était fort ivre. 
Ô barrière ! ô lieu divin 
Où Surène nous délivre 
Avec l’azur de son vin !Victor_Hugo_001

Un faune habitant d’un antre, 
Sous les pampres de l’été, 
Aurait approuvé son ventre 
Et vénéré sa gaieté. »

Jean Sévère, contrairement à ce que son nom indique, est sûrement le personnage jovial qui ne rate pas une occasion de trinquer, d’ailleurs il est actuellement « fort ivre ». Dans la suite du poème, Hugo nous racontera son discours pacifique. Mais contentons-nous ici des premiers vers .On voit bien que l’aspect physique de son foie (par extension de son ventre) compte pour beaucoup dans l’impression de sympathique et de bon vivant que Jean Sévère dégage, puisqu’ »un faune [...] aurait approuvé son ventre / Et vénéré sa gaieté » . Et une fois encore, cet embonpoint est mis en relation avec la consommation de vin, évoqué trois lignes plus haut dans « Avec l’azur de son vin ! »

Autre exemple romantique : le personnage de Maître Blazius, dans « On ne badine pas avec l’amour » d’Alfred de Musset. Maître Blazius est un prêtre sot, orgueilleux, et un incorrigible buveur de vin. Cette facette de sa personnalité donne lieu à quelques amusants comiques de situation dans la pièce.  Mais il n’est pas le seul : son « collègue », Maître  Bridaine, a les même vices que lui… ce qui explique qu’ils ne s’aiment guère l’un l’autre.

Dés le début de la pièce, dans la scène première, sa grosseur est associé à son goût du vin :

LE CHOEUR  : Doucement bercé sur sa mule fringante, messer Blazius s’avance dans les bluets fleuris, vêtu de neuf, l’écritoire au côté. Comme un poupon sur l’oreiller, il se ballotte sur son ventre rebondi, et les yeux à demi fermés, il marmotte un Pater noster dans son triple menton. Salut, maître Blazius ; vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une amphore antique.

MAÎTRE BLAZIUS  : Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d’importance m’apportent ici premièrement un verre de vin frais.

Blazius est présenté comme ayant un « ventre rebondi », alors même qu’il avoue quelques lignes plus loin son penchant pour le vin frais. Plus loin dans la pièce, le Chœur qualifiera son ventre et celui de Bridaine de « tonneaux ». La métaphore est parlante : le vin est bel et bien un facteur de l’accumulation de graisse sur le foie, soit dans le ventre. C’est ainsi qu’il participe à la moquerie générale du personnage.

Dans la peinture 

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« Deux moines dans la cave à vin » de Adolf Humborg

Sur cette peinture, deux moines sont présentés dans un cave à vin, en train d’en boire quelques verres. Manifestement, le peintre se moque doucement des mœurs monastiques de l’époque. On remarque nettement leurs embonpoints respectif qui prennent source sous le thorax, au niveau du foie. Cela déclenche chez le spectateur un rire qui naît du contraste entre l’image répandue du moine respecté et respectueux, et celle présentée sous nos yeux.

 

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« le combat de carnaval et carême », de Peter Bruegel

Dans ce tableau, s’oppose deux camps : celui du carnaval, c’est-à-dire de la fête et de la gaieté, et celui de la carême, c’est-à-dire celui de la religion et de l’austérité. Le vin se range dans le premier camp. On observe en effet en bas à droite un homme assis sur un tonneau de vin, faisant face à des personnages en tenue religieuses. Son foie est démesurément gros, ce qui est un des signes de son appartenance au camp du carnaval. Là encore, le vin induit un foie bien enveloppé.

Dans la Bande Dessinée

 Dans la bande dessinée « Le Bouclier Averne », qui fait partie d’une des célèbres aventures d’Astérix le Gaulois. on retrouve le chef du village, Abraracourcix, qui souffre d’une maladie du foie très douloureuse, à tel point qu’on ne peut même plus le toucher.

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Dans un passage situé au début du livre, on a droit à un échantillon du régime alimentaire d’Abraracourcix, régime qui l’a mené à avoir si mal au foie.

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On retrouve le vin (ci dessus dans la troisième case) comme un responsable de la fragilisation du foie et de l’accumulation de graisse sur celui-ci. Cela correspond à l’ambiance générale de la bande dessinée, qui présente des gaulois bon vivants et qui festoient et boisent volontiers.

Dans le cinéma

Le film ‘Tu seras mon fils » raconte l’histoire d’un viticulteur, Paul de Marseul, qui trouve son fils indigne de reprendre son vignoble. L’ensemble de l’histoire est baigné dans une atmosphère capiteuse de vin.

Le personnage de Paul de Marseul, joué par Niels Arestrup, présente un ventre assez rebondi témoignant d’un foie volumineux qui s’intègre très bien à sa personnalité de père blasé. On se doute que son métier lui donne de nombreuses occasions de boire du vin, ce qui explique la dimension de son foie.

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