Les effets du vin sur le cerveau dans la science

I.La sensation d’ivresse légère due à la consommation de vin

the night is young

La légère ivresse ressentie grâce au vin peut procurer d’étranges sensations…

Nous savons tous que, lorsque l’on boit du vin, au bout d’un moment (en général à partir du deuxième ou troisième verre, selon le poids et le sexe) , nous entrons dans une sorte d’état étrange où nous nous sentons curieusement confus mais léger, détendu mais joyeux… C’est l’état d’ivresse légère, qui se produit lorsque notre cerveau a reçu assez d’alcool pour modifier un petit peu son fonctionnement. Toutefois, il ne s’agit pas encore d’une véritable ivresse, c’est-à-dire que cet état n’a pas de conséquences durables et n’est pas dangereux, sauf si l’on conduit. Dans le langage familier, on est « un peu pompette ».

C’est au niveau du fonctionnement des neurones (les cellules du cerveau) que l’alcool du vin va agir. Habituellement, les neurones communiquent grâce à un système mi-électrique, mi-chimique : le message sous forme d’impulsion électrique, arrive à l’extrémité d’un des axones (ramifications) du neurone, le bouton synaptique. Il est alors traduit en molécules chimiques, les neuromédiateurs, qui sont relâchées par le bouton et qui se retrouvent sur les récepteurs de l’autre neurone, au niveau des dendrites (les branches du neurone par lesquels il reçoit les messages des autres neurones auxquels il est connecté) . L’autre neurone retraduit alors le message chimique qu’il a reçu en impulsion électrique : le message est transmis, et il peut continuer sa route ainsi de suite !

Mais lorsque qu’il y a de l’éthanol dans le cerveau, la transmission des neuromédiateurs d’un neurone à l’autre est perturbée, et il en résulte différents effets notables, qui, ensemble, constituent l’ivresse légère. Voici donc différents neuromédiateurs qui, lorsque leur transmission est perturbée par l’éthanol du vin, produisent les effets de l’ivresse légère.

         a) l’Acétylcholine, ou Ach Ce neuromédiateur est responsable, au niveau de la formation réticulée (zone du cerveau consacrée à l’éveil) , de l’attention et de l’éveil L’éthanol a pour effet de bloquer la synthèse de cette substance dans le neurone. De ce fait, les messages cérébraux d’éveil et d’attention ne passent plus, et c’est cela qui provoque une certaine somnolence et une baisse d’attention à l’extérieur lors de l’ivresse légère. Cela explique la torpeur ressentie, et c’est pourquoi l’on s’endort plus facilement après avoir bu du vin.          

         b) la dopamine Dans le circuit neuronal de la récompense, constitué des aires cérébrales du noyau accumbens et de l’aire tegmentale ventrale, la dopamine est le neuromédiateur responsable de la sensation de plaisir ou d’euphorie. Or l’éthanol augmente la libération de dopamine par les neurones. Ainsi, des messages intenses de plaisir vont passer dans le circuit de la récompense, et c’est cela qui procure une sensation de bien-être, de bonne humeur ou d’euphorie. Cela explique que le sujet se sente joyeux et content au cours de l’ivresse légère. La dopamine est également impliquée dans la sollicitation des émotions, au niveau de l’amygdale (aire du cerveau consacrée aux états émotionnels). C’est pourquoi le vin peut aussi engendrer une certaine stimulation émotionnelle.

         c) le GABA, ou acide γ-aminobutyrique Le Gaba est un neuromédiateur qui a pour rôle de temporiser l’activité neuronale, c’est-à-dire de ralentir les connexions entre neurones. L’éthanol, quant à lui, rend les récepteurs des neurones plus sensibles aux messages de ralentissements du Gaba . Ainsi, l’activité neuronale est globalement freinée.

Cela se traduit par une certaine perte des réflexes et par une sensation globale de relaxation, au niveau de l’amygdale par l’annulation de l’anxiété et du stress, au niveau du cervelet (aire du cerveau consacrée à la coordination des gestes) par une confusion de l’équilibre et à des maladresses, et au niveau du cortex préfrontal (aire consacrée à la prise de décision et à la réflexion) par un trouble du jugement, de la mémoire à court terme (appelée mémoire de travail) et par une certaine désinhibition, c’est-à-dire un relâchement des contraintes comportementales qui pousse à s’exprimer de manière plus libre.

Tous ces effets expliquent pourquoi, durant l’ivresse légère, on a l’impression d’oublier des soucis, de se détendre, de tanguer un peu, d’avoir l’esprit confus, ou encore d’être plus « franc », plus « vrai », ou plus sociable (en effet, la désinhibition liée au vin défavorise la timidité). La diminution des réflexes et de l’équilibre explique également (en plus de la somnolence évoquée au sujet de l’Ach) l’interdiction de prendre le volant dans cet état.

         d) le glutamate                                                                                                             Le glutamate est un neuromédiateur qui génère une excitation globale du système neuronal. L’éthanol permet de bloquer les récepteurs au glutamate des neurones, ce qui les rend donc insensibles à l’excitation qu’aurait dû apporter celui-ci. On est ainsi apaisé.

II. les effets de l’alcool du vin en surdose

Nous avons vu ce qui se passent dans un cas d’ivresse légère. La quantité de vin ingérée était alors relativement modérée. Mais si l’on dépasse une certaine dose, les conséquences peuvent être douloureuses, voir dangereuses.

A. les effets de l’alcool en surdose à court terme

  • perturbation du sommeil. L’éthanol du vin perturbe en effet le réseau d’un neuromédiateur appelé la sérotonine, et peut parfois provoquer son déficit. Or c’est justement un neuromédiateur impliqué dans le bon fonctionnement du sommeil, et si le cerveau se retrouve en déficit de sérotonine, il y a des troubles du sommeil, qui peuvent aller jusqu’à l’insomnie.
  • dépression. La dépression post-ébriété en effet un phénomène assez répandu. Cela est toujours dû à la sérotonine, car le déficit en sérotonine entraîne aussi de la dépression, des crises de larmes, de la tristesse exagérée etc…Pour certains, cela peut aller jusqu’au suicide !
  • migraine. C’est le fameux mal de tête de la « gueule de bois ». Pour le comprendre, il faut savoir que l’alcool a un effet diurétique, c’est-à-dire qu’il entraîne à uriner (voir page sur les reins). Cela engendre donc une déshydratation du corps, et par extension du cerveau, et c’est précisément parce que celui-ci est déshydraté qu’on a des maux de crâne.
  • coma éthylique . On a vu que l’alcool déclenchait une certaine somnolence de la formation réticulée. Si cette effet est accentué avec une surdose d’alcool, cela peut entraîner une perte de conscience totale appelée coma éthylique. C’est un état très dangereux, et qu’il faut hospitaliser d’urgence.

   B.les effets de l’alcool en surdose à long terme

Si on se met à boire du vin en excès de manière chronique (c’est-à-dire environ plus de trois verres par jour pour les hommes, et plus de deux pour les femmes), on prend le risque d’être victime d’autres effets de l’alcool qui peuvent être dangereux.

  • dépendance. La dépendance à l’alcool s’opère de deux manières :- par le biais du réseau de dopamine. En effet, sous l’effet de l’alcool, plus de dopamine est relâchée. Le neurone récepteur, pour s’adapter à cette surabondance de dopamine, supprime donc une partie de ses récepteurs, de manière à recevoir une quantité plus modérée de dopamine. Cependant, lorsque les effets de l’alcool disparaissent, la dopamine est relâchée en quantité normale, mais elle est moins reçue, puisque certains récepteurs ont été supprimés. Le circuit de la récompense (évoqué plus haut) est de ce fait en déficit de dopamine, et on éprouve une sensation de manque, qui ne peut être comblée qu’en reprenant de l’alcool.On peut également noter qu’à long terme, ce déficit en dopamine dans le circuit de récompense peut entraîner de la dépression.- par le biais du réseau du glutamate. En effet, on a vu que l’alcool bloquait les récepteurs au glutamate des neurones, ce qui les rendaient insensible à l’excitation provoquée par celui-ci. Si le phénomène se répète, le neurone émetteur de glutamate finit par d’adapter à cette anomalie en produisant d’avantage de glutamate. Mais lorsque l’ivresse cesse, et donc que l’alcool est éliminé, les récepteurs se débloquent, et la grande quantité de glutamate accumulée se déversent dessus. Le neurone reçoit donc une quantité anormalement grande de glutamate, ce qui provoque par conséquent un état anormal d’excitation et d’agitation du cerveau du sujet. Cela se traduit chez ce dernier par des tremblements, parfois même de la fièvre et des transpirations, mais surtout par une sensation de malaise intense due à cette nervosité.La seule manière de calmer le malaise est de re-bloquer les récepteurs de glutamate…en reprenant de l’alcool ! Mais cette solution n’est que temporaire, car sitôt l’alcool assimilé, le malaise revient, aussi puissant qu’avant. C’est alors le cercle vicieux de la dépendance : plus on boit de vin, plus on éprouve le besoin de reprendre du vin ! Notons au passage que le malaise dû au sevrage d’alcool est parfois si intense qu’il peut mener à des hallucinations, et à un degré plus élevé à un delirium tremens, c’est-à-dire un état d’agitation si vif qu’il en résulte des troubles violents de la conscience (associés à des convulsions)
  • atrophies et lésions cérébrale .L’abus d’alcool chronique s’accompagne en effet généralement de carences en vitamines B1 et PP, or celles-ci sont essentielles pour la survie des neurones. Ceci, combiné à la toxicité de l’alcool sur les cellules, engendre une destruction (ou une altération) des neurones, qui se remarque par une diminution du volume cérébral ( c’est l’atrophie cérébrale) ou par des lésions cérébrales.Cela induit la dégénérescence des capacités cognitives comme l’attention, la logique etc…, et s’accompagne même parfois de troubles mentaux (on peut supposer que l’épilepsie en fait partie). Citons par exemple la démence alcoolique, qui se caractérise par une affectation des facultés intellectuelles et de la volonté, et le syndrome de Korsakoff, qui constitue une certaine amnésie (dégradation de la mémoire).Pour illustrer ces effets, une étude a été menée sur des rats par des chercheurs de l’Université Rutgers. Ils ont soumis les rats à un la consommation d’un liquide comportant 4% d’éthanol pendant deux semaine, ce qui rendait leur sang composé d’environ 0,08% d’alcool presque constamment. Résultat : le nombre de cellules produites dans l’hippocampe (zone du cerveau consacrée à la mémoire et aux souvenirs) a été réduit de 40% à la fin de l’expérience.
  • augmentation du risque d’AVC (Accidents Vasculaires Cérébraux). Un AVC correspond à un incident qui survient dans les vaisseaux sanguins irriguant le cerveau, et qui peut provoquer une hémorragie, ou un infarctus. Les conséquences peuvent être très lourdes.

Comme quoi, le vin, il ne faut pas en abuser, faute de quoi….

III. L’effet bénéfique du vin pour les neurones Nous avons vu les terribles dégâts qu’engendrait l’excès de vin. Faut-il pour autant considérer cette boisson comme définitivement mauvaise pour nos neurones ? Non ! Car de nombreuses études médicales ont désormais montrés les effets bénéfiques du vin bu avec modération sur le cerveau…

         A. Les bienfaits des polyphénols

Les polyphénols contenus dans le vin, notamment le resvératrol ,ont un effet anti-oxydant sur les neurones, ce qui permet de les préserver du vieillissement et de la dégénérescence, et seraient même capable de favoriser leur développement !

Pour preuve, de nombreuses études ont été menées, qui concluent que le vin avec modération est capable de prévenir la maladie d’Alzheimer, de Parkinson, la dépression, la démence, les maladies psychiatriques en général, et de manière globale les maladies neuro-dégénératives, et même de préserver les capacités cognitives de l’affaiblissement lié à l’âge ! Voici donc, pour satisfaire les sceptiques, quelques exemples de maladies neuropsychiatriques dont les études ont montré la baisse de l’occurence avec une prise de vin régulière mais sans excés.

         a) la perte de mémoire et la maladie d’Alzheimer En 1997 en effet une étude française avait déjà associé une consommation modérée et régulière de vin à un risque plus faible de maladie d’Alzheimer.Mais pour le vérifier d’avantage, voici qu’ une étude américaine publiée dans l’éminente revue scientifique Scientific Report a souligné que le resvératrol, un polyphénol antioxydant contenu dans le vin, permettait de lutter contre la perte de la mémoire et contre Alzheimer.

Les chercheurs de l’Université du Texas ont ainsi mené des expériences sur des rats de laboratoire (qui ont tout de même plus de 90% de patrimoine génétique commun avec nous) en prenant en compte la baisse des facultés de la mémoire qui intervient pendant la vieillesse. Deux groupes de rats ont été constitués, un premier qui avait reçu un traitement à base de resvératrol enregistrait une amélioration considérable des capacités d’apprentissage spatial et de mémoire, tandis que le second, qui n’a reçu aucun traitement n’a montré aucune amélioration. La diminution des capacités chez le second groupe semblait être dû à la baisse de neurogénèse, c’est-à-dire à de la création des neurones , ce qui signifierait que les resvératrols ont permis au premier groupe de conserver une bonne production de neurones. D’après le le professeur Shetty, cela prouve les effets bénéfiques de la consommation de résvératrol, cette molécule anti-oxydante particulièrement abondante dans le vin rouge, sur la préservation et même l’amélioration des fonctions de la mémoire, qui se fait au détriment du vieillissement habituel des neurones.

         b) la dépression                                                                       Une étude espagnole publiée dans le journal BMC Medicine a été mené sur les répercussions à long terme de la consommation de vin sur la santé.

Les chercheurs ont utilisé pour cela un vaste échantillon de population : 5 500 hommes et femmes âgés de 55 à 80 ans ont été suivis pendant près de 7 ans. Les participants étaient relativement âgés, tous méditerranéens, et n’avait aucun lien particulier avec la dépression ou l’alcool au démarrage de l’étude. Les résultats ont montré que les niveaux de dépression les plus bas étaient dans le groupe de personnes qui buvaient 2 à 7 verres de vin par semaine. Le risque d’avoir une dépression était diminué de 32 %. Cela semblait être lié à une préservation des neurones de la dégénérescence liée à l’âge.

         c) La démence Une étude nord-américaine a été menée sur une cohorte de personnes âgées résidant au nord de Manhattan, pour étudier les conséquences de l’alcool sur la démence. 980 participants ont été recrutés, aucun n’étant atteint de démence au départ. Leurs habitudes alimentaires, incluant la prise de boissons alcoolisées, ont été collectées à l’aide d’un questionnaire en début d’étude. Lors du recrutement, puis annuellement, chaque participant subissait un examen médical, notamment composé de tests neuropsychologiques, qui permettaient de diagnostiquer ou non la démence. Dans l’ensemble de la population étudiée, 15% buvaient majoritairement de la bière , 17% du vin, 14% d’apéritifs et alcools forts et 70% ne consommaient pas du tout d’alcool, principalement des femmes. L’analyse des données a montré que seule la consommation modérée de vin permettait de diminuer le risque d’être atteint de démence, par rapport à ceux qui ne buvaient pas du tout.

On peut synthétiser les résultats de ces différentes études en affirmant que prendre environ un verre de vin par jour aide à lutter contre les maladies neuro-dégénaratives qui surviennent pour la plupart en fin de vie.

              B. Les bienfaits des Oméga-3

On sait aujourd’hui que le vin est riche en Oméga-3, un type d’acide gras. Mais ce dont on ne se doute pas, c’est que ces Oméga-3, justement, sont excellents pour la santé cérébrale !

Ce sont principalement les travaux du docteur David Servan Schreiber qui ont mis en valeur les conséquences bénéfiques des Oméga-3 sur le cerveau, allant même jusqu’à lier des carences en Oméga-3 avec des troubles mentaux comme la dépression. Pour lui, le cerveau a besoin d’un équilibre des acides gras entre Oméga-6 et Oméga-3 ; or l’Homme d’aujourd’hui consomme beaucoup trop d’Oméga-6 et peu d’Oméga-3.C’est pourquoi il conseille vivement d’aliments pouvant nous en apporter une quantité suffisante, afin de rétablir l’équilibre.

Il se pourrait donc que le vin constitue un aliment idéal pour atteindre la dose nécessaire en Oméga-3, et donc pour aider notre cerveau à mieux fonctionner !

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