Dans de nombreuses cultures, le vin a souvent été associé à la sexualité. En effet, boire du vin peut permettre d’enlever certaines barrières et aurait donc des effets désinhibant et aphrodisiaques si on le boit raisonnablement. De surcroît, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, en passant par l’époque biblique les auteurs ont écrits de nombreux textes parlant de cette relation. Nous allons alors nous demander en quoi ces auteurs ont-ils établit cette relation? Pour répondre à cela nous présenterons des exemples succins afin d’appuyer notre réflexion.
I. Le vin ou l’archétype de la boisson sensuelle
A. Un amour reconnu dans la bible
Un des textes appartenant au canon biblique et qui relate cette relation est le Cantique des Cantiques(Chir hachirim en hébreu). Ce texte a été écrit par le roi Salomon vers-900. A première vue, ce texte relate un amour entre le roi et sa bien aimé la Choulamite(en hébreu). Cependant les exégètes(selon le rabbin Akiva) du Talmud(loi orale juive) prônent que cet amour est plutôt un amour entre D.ieu et son peuple que l’amour d’un couple. Dans tous les cas, le vin a ici un rapport direct avec l’amour.
Le Cantique des Cantiques vu par Marc Chagal
Cependant une lecture fondamentaliste du texte pourrait nous faire penser que le vin ici accentue l’amour du couple qui serait vraiment alors passionné, en particulier dans le premier chapitre aux versets 13 et 14:
« Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe, qui repose sur mon sein. »
Mon bien-aimé est pour moi une grappe de troène dans les vignes d’En-Ghedi. »
Mais aussi au chapitre 7 dans lequel,l’amour est à son paroxysme:
Je me suis dit: « Je monterai au palmier, je saisirai ses rameaux; que tes seins soient pour moi comme des grappes de la vigne, et l’odeur de tes narines comme celle des pommes; et ton palais comme un vin exquis… Qui coule doucement pour mon bien-aimé et rend loquaces même les lèvres assoupies.
Dans ces deux derniers versets, les seins sont comparées à des grappes de vigne, génitrices du vin. On voit l’analogie avec les seins. Le palais de la bien-aimé est ici comparé à un vin exquis qui coule doucement pour son amant. L’amour est donc ici amplifié grâce au vin et à son effet désinhibant qui est d’ailleurs appuyé par le terme »loquaces »: le vin a le pouvoir de faire parler, et ici de faire dire des mots d’amour. En effet, l’alcool présent dans le vin a des effets euphorisants. Il mobilise la zone du cerveau s’occupant de l’effet inhibiteur, la personne ose dire,parler et agir à sa guise et c’est là où se rencontrent l’érotisme et le vin. Comme le dit Claudel: « le vin est le libérateur de l’esprit ».
B. Un amour présent chez Baudelaire
Cette analogie entre le vin et la sexualité ou plutôt un amour passionné a été cité par Baudelaire dans un de ses poème tiré du recueil Les fleurs du mal(1857) . Citons le poème Le vin des amants :
« Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !Mollement balancés sur l’aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,
Ma sœur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves ! »
Le vin va amener ici à une certaine ivresse caractéristique d’une amplification des sens mais aussi d’une plénitude des sensations. Utilisons quelques rudiments de stylistique afin de comprendre cette ivresse érotique.
-Tout d’abord il faut noter que la métaphore de la chevauchée »partons à cheval sur le vin »(v.3) traduit un jeu sensuel entre l’amant et sa dulcinée qui va être causé par le vin, une force qui va les emporter vers le »ciel »: un idéal érotique empli cependant de chasteté puisque l’on parle du Ciel. Le vin est ici ce facteur qui va enlever tout poids empêchant de s’aimer et qui va permettre un amour dépourvu de débauche, un amour pur.
-Le vers »dans un délire parallèle »(v.11) est une métaphore qui traduit la symbiose totale de l’amour du couple. Cet amour est bien entendu causé par l’ivresse due au vin.
-De surcroît, la métaphore »tourbillon intelligent »(v.11) connote encore cette idée d’ébriété érotique, dépourvue de toute débauche, qui est au stade de l’extase: les amoureux s’aiment passionnément grâce au vin qui a fait tomber toutes barrières pouvant les séparer.
Cependant, l’objectif ici n’est pas de faire un commentaire de texte mais de survoler l’oeuvre afin d’en tirer le sens le plus concis.
On retient donc que pour Baudelaire, le vin peut donner accès a une certaine amplification des sens qui peut permettre d’aimer passionnément. On voit d’ailleurs que tous les effets de cette ivresse érotique sont décrit après la métaphorique chevauchée sur le vin.
Illustration pour cette poésie: Les Amants dans la campagne, 1844, huile sur toile, 77 × 60 cm,Gustave Courbet
II. Une consommation abusif de vin nuira à l’amour
⇒Pour appuyer cette antithèse nous nous proposerons d’étudier deux passages, extraits du recueil De l’usage du vin et de l’ivresse d’Aristote.
Il est vrai que le vin est souvent associé à la sexualité comme nous l’avons vu dans la première partie mais cela peut également être vu sous un angle négatif.
A. « Pourquoi le sperme des ivrognes est-il généralement infécond? »
Selon Aristote lorsque le sperme est trop fluide il est synonyme d’infécondité. En outre, ce dernier appui que l’abus de vin donnera cette consistance à la semence: » N’est-ce pas parce que le tempérament du corps est détrempé et par trop liquide ? Or le sperme quand il est liquide ne féconde pas; mais il faut qu’il soit compact et épais ».
Aristote savait déjà que l’abus de vin était propice à la stérilité.
B. « Pourquoi quand on est ivre est-on impuissant face à l’acte sexuel? »
Les médecins modernes disent souvent que boire du vin à jeun favorisera l’ivresse car l’alcool à besoin d’énergie pour être dégradé. De plus la médecine moderne insiste sur le fait que le vin produit une sensation de chaleur du à la dilatation des vaisseaux sanguins.
Mais Aristote était en avance sur son temps et savait tout cela. Il prône qu’une trop grande chaleur dans le corps des ivrognes va favoriser l’impuissance:« Ce qui les empêche d’accomplir l’acte, c’est la quantité de chaleur répandue dans leur corps entier. »
Aristote savait donc les effets de l’abus de vin sur la sexualité (cités dans la partie science).
III. Conclusion
Finalement les avis des auteurs sont partagés sur l’effet du vin sur la sexualité et l’amour. Certains sont d’avis que c’est la boisson sensuelle par excellence, celle que boit un couple autour d’une table lors d’un dîner en tête à tête. Mais d’autres sont d’avis que le vin nuirait à la sexualité comme tous les alcools.
Ce qui est paradoxale c’est que boire trop de vin serait donc nuisible mais en boire raisonnablement pourrait avoir des vertus aphrodisiaques.
D’ailleurs Mme de Pompadour disait:«qu’il laissait la femme belle après le boire» .
Sources: -http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/problemes3.html -http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/le_vin_des_amants.html -http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/igram_0222-9838_1989_num_41_1_3456 -Dialnet-SemantismeAutourDuVin